Bonjour à tous,
Noël approche. Alors qu'il se mettait à neiger, la semaine dernière, Love Letters from across the Street a eu un an et j'ai pensé que ça faisait longtemps que je ne vous avais pas écrit. Alors, comme dirait Tom Waits, 'Well, it's story time again...'
A Hull, en Angleterre, entre le New Adelphi Club et chez moi, il y avait une petite heure de marche. Tous les mardis, je ratais le dernier bus pour rentrer. Alors, je prenais ma guitare et je marchais. Juste avant d’arriver à Cottingham, je traversais une voie ferrée. J’aimais bien cet endroit, ça voulait dire que je n’étais plus très loin. Ca titillait aussi mon imaginaire hobo. J’ai toujours eu une fascination pour les trains, pour les rails, pour ce qu’ils représentaient dans l’imaginaire dans lequel j’ai grandi : les westerns, les chansons de Woody Guthrie, les films de Buster Keaton, le beau train électrique que mes parents avaient acheté à Prague... Alors je faisais toujours une pause sur ces rails et je pensais à Lucille, à Gaétan, Louise, Jean, mes parents, Bob Dylan et Joe Cool. J’aimais bien ça. J’étais heureux qu’ils me manquent, j’aurais des choses à leur raconter.
C’est comme ça que j’ai écrit If I Make It, la chanson qu’on n’entend jamais en entier mais qui sert d’introduction à chaque chapitre du triple-album. Un couplet qui ouvre chaque disque, trois versions différentes, il pourrait y en avoir mille autres. If I stop on the railroad track when I’m on my own, it’s to feel your hand on my back to keep on moving on.
Je ne pourrai pas dire être un musicien qui s’est construit tout seul, sans le soutien des siens. Je ne correspond pas au poncif rock, j’ai toujours été soutenu, je le suis encore et j’en suis extrêmement reconnaissant. If I Make It est une demande à ceux qui me soutiennent. Le reste, ce sont les lettres que je leur ai écrit.
Ce que vous ignorez sans doute est que Love Letters from across the Street provient d’un disque qui n’est sorti qu’en un seul exemplaire, Love Letters from across the Sea, enregistré avec des musiciens anglais dans un studio à Hull.
Ce disque a servi de base de réflexion, de maquette pourquoi pas, à l’album qu’on enregistrerait à Périssac, avec le Bread Delivery Service, les Sept mercenaires venus des quatre coins du monde. Et Lord Lumps, un lord anglais qui, comme beaucoup de Britanniques, aime passer du temps dans le bordelais. Périssac, c’était Exile on MacDougal Street, les membres du Bread Delivery s'y sont retrouvés autour d’une machine à pain. C’était une machine magique, les baguettes en volaient et, si vous n’étiez pas vigilants, elles vous échappaient et terminaient leur course au pays des pains perdus, où les pains volent et ne sèchent jamais - ce qui n’est pas pratique pour les knedliky ou la soupe à l’oignon gratinée. C’était Santiag Bob qui nous avait donné rendez-vous là-bas, elle y livrait son pain socialiste. Churchman est arrivé de son bayou en Louisiane, le magicien, Matthaüs Hoffmann, des Alpes Suisses, Mozi Ozi des plaines mongoles, John Eastwolf des montagnes afghanes, Sophy-Ann Pudwell de mer d’Irlande et Jean-Banjo des Apalaches. Ou de Bretagne, on n’a jamais trop su. Il était trop occupé à changer le bois dans la cheminée pour nous le dire. Ca cachait quelque chose, parfois mieux vaut ne pas savoir. Et ça nous gardait au chaud. Tout ce beau monde s’est retrouvé autour d’une table, comme on fait souvent en famille. Ou en politique. Entre le pain et la table, le repas a son importance dans l’histoire. On peut y rajouter le vin. La presque dimension biblique aurait même poussé Louise à illustrer l’intérieur du triple-album comme ça :
Ce dessin n’a finalement pas été retenu, on a préféré le poisson (un haddock), non pas multiplié mais partagé en trois. J’aurais supporté être représenté en Jésus mais qui aurait pris Judas ?
En Angleterre, les membres du magique Bread Delivery Service n’était pas encore là pour enregistrer Love Letters from across the Sea. Honza Sudek, par contre, était passé. Louise Boutan aussi. Ils avaient illustré les textes des enregistrements de Hull, qui depuis sont tenus secrets, scellés dans la machine à pain, vous ne les verrez jamais. Depuis, on a remis le couvert, Louise a dessiné la pochette du triple-album, Honza, lui, a illustré chaque texte.
Love Letters from across the Street a eu un an la semaine dernière. Pour fêter cet anniversaire, juste avant Noël, nous voudrions sortir les textes, traduits et illustrés par Honza Sudek. Vous pourrez même retrouver dans ce petit livret les grilles d’accords de chaque chanson. Comme ça, si vous disposez d’un Jean-Banjo local qui fait le feu dans la cheminée pour réchauffer toute la famille, vous pourrez vous retrouver autour de l’atre, avec une guitare et chanter tous en coeur Whiskey Whiskey Nancy Whiskey, ou sa traduction française pour les anglophobes : Whisky Whisky Nancy Whisky.
Offrez ce petit livre de chansons à votre neveu qui fait de la guitare, ou à votre tante, qui aime beaucoup la musique mais qui, malheureusement, se demande bien ce que tout ce texte incompréhensible peut bien vouloir dire.
Précommandez-le maintenant et le recevez-le juste avant Noël !
Bonne journée à tous,
Prokop
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